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Rencontre avec Janique Bourget

9 juillet 2020
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Créatrice d’un travail minutieux, Janique Bourget réalise des sculptures en papier. En se questionnant sur la notion de vide, la jeune artiste révèle les possibles, les caractéristiques inattendues d’un matériel.

Quel a été votre cheminement pour arriver dans le monde de l’art ?

Dans un premier temps, j’étais dans les arts appliqués au lycée Leonard de Vinci à Montaigu. C’était génial, j’ai adoré ! Ensuite, j’ai fait mes études en tapisserie d’ameublement en Bourgogne. Je me suis dirigée vers cet enseignement car je ressentais le besoin de me connecter à la matière, aux techniques de fabrication. Par la suite, je suis allée aux Beaux-Arts, ESAD, à Orléans. J’ai acquis un diplôme national d’art et technique. Durant cette période, ma créativité a voulu s’ouvrir à quelque chose de plus conceptuel, j’avais besoin de ça, pour trouver l’équilibre entre le trait technique et le trait conceptuel. Et aujourd’hui, c’est un élément, qui fait partie de moi. J’ai fait ricocher les choses et ma recette a pris forme. Lorsque j’étais aux Beaux-Arts, j’ai abordé ma matière, aujourd’hui de prédilection, le papier. Je questionnais le vide, le creux…

Pourquoi considérez-vous ce support comme matière de réflexion artistique ?

J’ai eu envie de sculpter le vide. J’ai fait un contour, donné une forme et créé ainsi, une surface, avec, je pouvais faire des erreurs, recommencer… En libérant la peur de se tromper, je pouvais chercher très loin. C’est un procédé très libérateur ! Ma toute première approche a poursuivi un vrai match entre la matière et moi-même. Elle réagissait en fonction de mon impact, autrement dit, si je la pliais, elle gardait le pli. C’est donc, un vrai dialogue qui s’est installé entre la main et la matière. Une harmonie a opérée entre les sensibilités humaines et matérielles. De fil en aiguille, le papier est devenu mon support favoris. Ce qui m’intéresse dans le papier, au-delà de sa sensibilité, c’est un matériau très commun et facile d’accès, ça me plaît de pourvoir le déplacer dans des directions inattendues, d’en faire quelque chose de plus grand, de le valoriser. Le travail avec la feuille expose à des notions intéressantes graphiquement, il y a pleins de choses à faire. Mon travail se base sur du collage, j’ouvre la matière, je découpe…

Janique Bourget – Installation murale

Quels sont les matériaux que vous utilisez ?

J’utilise plusieurs sortes de papiers comme par exemple, le papier japonais nommé le wachi. J’en ai notamment ramené du Japon l’été dernier. Selon mes projets, je créé avec des papiers de densités différentes. Cependant, au-delà de la texture et de la nature même du papier, ce qui m’intéresse surtout, c’est la teinte du blanc. Dans la nudité de ce matériau, je porte mon attention sur la teinte. J’essaye de trouver un blanc ni trop chaud, ni trop froid, mais qui va pouvoir permettre de projeter, avec la lumière, une certaine couleur.

Comment se déroule votre processus de création ?

Lorsque je travaille sur de nouvelles créations, je suis exclusivement avec moi-même. Ma manière d’aborder la matière est très empirique. Je commence par un dialogue entre le corps, les mains, le regard et la matière. Je créé sans avoir une vision de ce que je vais faire. Je choisi un moment disponible qui sera dédié exclusivement à la création.

Je reste vigilante sur la notion d’harmonie et d’équilibre, de vide et de plein, ce qui fait partie des toutes premières choses qui ont constitué ma démarche. La place du vide est essentielle et constitue mon point de départ.

Vos créations prennent-t-elles de l’importance suivant l’espace qu’elles côtoient ?

Le moment de la création est empirique et je ne peux pas le théoriser avant de le faire. Par contre, je vais être beaucoup plus attentive sur l’installation et le choix de l’espace. La narration est importante dans mon travail. C’est lors de l’installation et de la valorisation de mon travail que cela se concrétise. Le moment de la rencontre entre la création et le spectateur figure comme la naissance même du travail. 

L’installation faite pour l’exposition Nuit Blanche à Paris a eu recours à toute une contextualisation, toute une mise en scène. J’ai disposé un miroir afin d’y voir le reflet de la création papier, j’ai diffusé de la musique…

Oeuvre, Exposition Nuit Blanche, Janique Bourget

Le trait maladroit est-t-il source d’innovation dans la création d’un volume ?

C’est une partie constituante de mon travail. Ce sont des maladresses qui font parties du processus et créent ainsi, des vibrations visuelles. La régularité qu’on peut voir dans mon travail ne compte pas sur la dynamique de la sculpture.

Quelles sont vos inspirations ?

C’est très vaste, je m’inspire d’énormément de choses. J’ai une vraie observation pour la nature, qu’elle soit végétale, minérale ou animale. C’est un sujet très inspirant. Je me documente sur les dimensions scientifiques, physiques de la matière. Je suis également une grande lectrice de romans graphiques et de bandes dessinées. La manière de raconter les choses que ce soit avec des mots ou des formes m’influencent. C’est au travers de la matière que ma narration s’établie.

Quel projet vous a le plus marqué ?

Plusieurs ! Et j’aimerais qu’il y en ait d’autres à venir… J’ai aimé un projet qui s’est déroulé récemment avec une artiste japonaise qui se nomme Shoko Taruma pour l’exposition Le savoir faire des Takumi en partenariat avec la ville de Tokyo et de Paris. Ce projet en commun a été une expérience  très intéressante. On a créé une pièce qui a été exposé à Londres juste avant le confinement. Il y a eu une rencontre, on a pu s’apercevoir que nos deux manières de construire les choses été très différentes et en même temps, on retrouvaient beaucoup de point commun dans nos oppositions. Shoko Taruma, travaille avec la laque. La pièce commune proposait alors, une harmonie entre nos deux médiums de prédilections.

Des projets à venir ?

Je travaille avec une commissaire d’exposition pour un futur projet autour de la respiration, du vide.

Plus d’informations sur le site internet de l’artiste et sur son Instagram

Propos recueillis par Chloé Desvaux

 

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